1981 : la création du ministère de la formation professionnelle et ses conséquences en france

L'année 1981 marque un tournant majeur pour la politique française de formation professionnelle. L'arrivée au pouvoir de François Mitterrand et son gouvernement socialiste ont conduit à la création d'un ministère dédié, répondant aux défis économiques et sociaux d'une France confrontée à une crise profonde et à un chômage croissant. Cette décision, analysée ici dans son contexte historique, révèle des impacts durables sur le système de formation, l'emploi et l'économie française. Nous explorerons les objectifs, les réussites, les limites et l'héritage de cette réforme majeure, en la replaçant dans une perspective européenne comparative.

Contexte socio-économique de 1981 : une france en crise

Le contexte politique : la victoire de la gauche

La victoire de François Mitterrand en mai 1981 marque une rupture politique significative. Son programme, ambitieux et socialiste, promettait une transformation profonde de la société française. Parmi les axes majeurs : la lutte contre le chômage, l'augmentation du pouvoir d'achat et la nationalisation de certaines entreprises. La création du Ministère de la Formation Professionnelle s'inscrit pleinement dans cette volonté de réformer en profondeur le système économique et social.

Le chômage : un défi urgent

Le chômage, déjà un problème majeur dans les années 1970, s'aggrave considérablement au début des années 1980. En 1981, le taux de chômage atteint 7,5% de la population active, soit plus de 1,5 million de chômeurs. Ce chiffre, en augmentation constante, met en lumière le besoin urgent d'adapter le système de formation professionnelle aux besoins du marché du travail et de lutter contre les inégalités d'accès à l'emploi.

La création du ministère : une réponse politique ambitieuse

Le 21 mai 1981, le gouvernement Mauroy crée le Ministère de la Formation Professionnelle. Cette initiative, inédite à l'époque, vise à centraliser et à coordonner les politiques de formation professionnelle auparavant dispersées entre plusieurs ministères. L’objectif est clair : améliorer l'adéquation entre l'offre et la demande de compétences sur le marché du travail et ainsi contribuer à la réduction du chômage. Ce nouveau ministère, dirigé initialement par Michel Rocard, recevra un budget important pour mener à bien ses missions.

Les ambitions du nouveau ministère et ses mesures phares

Les fondements idéologiques : égalité et modernisation

La création du Ministère s'inscrit dans une vision socialiste de la société, visant à promouvoir l'égalité des chances en matière d'accès à la formation et à l'emploi. Au-delà de la simple lutte contre le chômage, il s'agissait de moderniser l'économie française en formant une main-d'œuvre qualifiée et adaptable aux évolutions technologiques. L'accent était mis sur la formation continue et l'apprentissage.

Les axes stratégiques du plan de formation

Le nouveau Ministère met en place un vaste programme de formation, axé sur plusieurs axes principaux : le développement de l'apprentissage, avec l'objectif d'augmenter le nombre d'apprentis de 20% dans les cinq ans; la création de nouvelles formations professionnelles répondant aux besoins des secteurs en croissance ; le financement de la formation continue des salariés, notamment au sein des PME ; et la promotion de la formation des femmes et des jeunes issus de milieux défavorisés. Ce plan ambitieux impliquait un investissement financier conséquent, évalué à 10 milliards de francs sur plusieurs années.

  • Développement de l'apprentissage
  • Création de nouvelles formations technologiques
  • Soutien à la formation continue des salariés
  • Formation pour les femmes et les jeunes issus de milieux défavorisés

Les acteurs impliqués et les collaborations

La mise en œuvre de ce plan ambitieux nécessite une collaboration étroite entre plusieurs acteurs: le Ministère du Travail, le Ministère de l'Éducation Nationale, les Régions, les partenaires sociaux (syndicats et patronat), et les organismes de formation. Malgré une volonté initiale de concertation, des divergences de points de vue et des tensions apparaissent rapidement sur la définition des priorités et l'allocation des ressources.

Difficultés de mise en œuvre et résistances

La mise en place du Ministère et de son programme n'a pas été exempte de difficultés. Des obstacles administratifs ont ralenti le processus, tandis que des résistances de la part de certains acteurs économiques, attachés à des modes de formation traditionnels, ont freiné les réformes. Le manque de coordination entre les différents acteurs et un manque de ressources financières ont également entravé la mise en œuvre effective des politiques.

Bilan et conséquences de la création du ministère

Impacts positifs : des avancées notables

Malgré les obstacles rencontrés, la création du Ministère a eu un impact significatif sur la formation professionnelle en France. L'apprentissage a connu une croissance notable, passant de 250 000 apprentis en 1981 à plus de 350 000 en 1986. De nouvelles filières de formation ont été développées dans des secteurs porteurs d'emplois, notamment dans les technologies de l'information et de la communication. Le financement de la formation continue a progressé significativement, permettant à un plus grand nombre de salariés d'acquérir de nouvelles compétences. Enfin, des efforts ont été faits pour améliorer l'accès à la formation pour les femmes et les jeunes issus de milieux défavorisés, même si les inégalités persistent.

Limites et insuffisances : un bilan mitigé

Cependant, le bilan du Ministère reste mitigé. Les objectifs ambitieux de réduction du chômage n'ont pas été atteints, le taux de chômage restant élevé tout au long des années 1980. Le manque de coordination et la complexité administrative ont entravé l'efficacité des politiques. De plus, le système de formation a eu du mal à s'adapter rapidement aux mutations technologiques, laissant subsister un décalage entre les compétences offertes et les besoins du marché du travail. Les taux de réussite des formations ont également été inégaux, selon les secteurs et les types de formation.

Conséquences économiques et sociales

L'impact économique et social de la création du Ministère est complexe et multiforme. Si certaines formations ont contribué à améliorer la compétitivité des entreprises françaises, d'autres n'ont pas trouvé de débouchés sur le marché du travail, générant de la frustration et des difficultés d'insertion pour les stagiaires. L'investissement public massif dans la formation n’a pas suffi à inverser la tendance du chômage. En 1986, le taux de chômage s’établissait toujours autour de 10%, témoignant des limites de la politique menée.

Le coût global de la politique de formation, entre 1981 et 1986, a été estimé à 50 milliards de francs, un investissement considérable qui n'a pas permis d'atteindre les objectifs fixés en matière de réduction du chômage.

L'héritage du ministère : un impact durable

Malgré un bilan mitigé, la création du Ministère de la Formation Professionnelle en 1981 a profondément marqué l'histoire de la formation en France. Elle a permis la création de nouvelles structures et de nouvelles politiques, jetant les bases de réformes ultérieures. La nécessité d'une coordination nationale en matière de formation et de l'importance de l'adaptation aux besoins du marché du travail sont des héritages directs de cette période.

Comparaison européenne : des modèles variés

Politiques de formation dans d'autres pays européens

La France n'était pas le seul pays européen confronté aux défis du chômage et de l'adaptation de la formation au marché du travail dans les années 1980. Une comparaison avec les politiques de formation professionnelle mises en place dans d'autres pays européens, comme l'Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suède, permet d'identifier des approches variées, avec des niveaux de centralisation, de financement et d'implication des partenaires sociaux différents.

Leçons tirées des expériences étrangères

L'analyse comparative des expériences étrangères offre des leçons précieuses pour l'amélioration des politiques de formation. L'identification des bonnes pratiques et des échecs dans d'autres pays permet d'affiner les approches, de mieux cibler les actions et d'adapter les formations aux besoins spécifiques du marché du travail.

  • L'Allemagne, avec son système d'apprentissage dual, a montré des résultats plus probants en matière d'insertion professionnelle des jeunes.
  • Le Royaume-Uni, avec des politiques plus libérales, a mis l'accent sur la flexibilité du marché du travail.
  • Les pays scandinaves, quant à eux, ont privilégié une approche plus interventionniste de l'État dans la formation et l'emploi.

La création du Ministère de la Formation Professionnelle en 1981 a été une réponse ambitieuse aux défis économiques et sociaux de l'époque. Si les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des espérances, cette réforme a profondément transformé le paysage de la formation professionnelle en France, laissant un héritage durable pour les politiques futures.

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